Le soufre est un sujet très à la mode à l’heure du tout naturel ! On entend s’exprimer tour à tour ses défenseurs et ses détracteurs. Il devient difficile de se faire une idée sur le sujet sans tomber dans des clichés avec d’un côté le productiviste sans scrupule qui utiliserai le soufre de manière déraisonnée en pensant uniquement à ses intérêts économiques, et de l’autre l’idéaliste bohème qui ne servirai que des vins piqués pour ne pas utiliser ce « poison ». Comme pour beaucoup de choses dans ce bas monde, la vérité se trouve certainement quelque part à mi-chemin mais essayons plutôt de comprendre les propriétés de ce produit et ses méfaits afin de se faire une avis sur la question.
Dans la vigne
L’acidification du sol : le soufre élément régulateur du pH
Selon les terroirs, les sols sont plus ou moins acides. Il existe un équilibre acido-basique du sol afin de garantir une bonne fertilité de ce dernier. Au-delà des phénomènes biologiques et naturels participant à l’acidification du sol, le souffre utilisé comme intrant permet également de faire descendre le PH du sol si besoin et ainsi garantir cet équilibre acido-basique du sol.
Le traitement de la vigne par le soufre
Afin de protéger la vigne des maladies, chaque année les viticulteurs utilisent des produits phytosanitaires. Le plus souvent ces produits sont utilisés par pulvérisation mécanique. Le souffre est un des principaux constituant des produits de surface utilisés sur le vignoble.
Il est principalement utilisé dans la bouillie bordelaise (sulfate de cuivre) pour combattre l’oïdium de la vigne, une des maladies les plus ravageuses des vignobles. Ce champignon se développe sur tous les organes verts de la plante. Il se manifeste le plus souvent pas des taches jaunâtres au niveau des feuilles qui se nécrosent. On parle de maladie de la cendre, le vignoble semble être blanchi une fois avoir été touché par le champignon. Cette maladie provoque alors une chute des rendements mais également une baisse de la qualité du vin.
Pulvérisation mécanique des produits phytosanitaires
Ainsi le soufre est très utilisé pour prévenir cette maladie. Il est également autorisé dans le cadre d’une conduite en agriculture biologique du vignoble.
Le produit est utilisé à sec en poudrage ou en suspension dans l’eau par pulvérisation. Il est pulvérisé surtout pendant les périodes dites sensibles des mois de Mai et Juin. Beaucoup de viticulteurs s’en servent jusqu’à un mois avant les vendanges notamment pendant les périodes de pluies et de chaleur, propices à la formation du champignon.
En vinification
Les propriétés du dioxyde de soufre (SO2)
Le soufre œnologique est issu de la molécule SO2 appelée dioxyde de soufre. Celui-ci a deux propriétés qui le rendent indispensable, c’est un antioxydant et un antiseptique. Ses vertus anti-oxydantes permettent d’éviter au vin d’avoir un gout de cidre de pomme par exemple, caractéristique de l’oxydation après quelques semaines ou mois dans les meilleurs des cas. Son caractère antiseptique le protège du risque de re-fermentation du vin en bouteille (pour les vins doux) ou toute autre attaque bactérienne qui altérerai les qualités du vin.
Notons que la notion de millésime d’un vin n’est apparue qu’avec la généralisation de l’utilisation du soufre comme conservateur à la fin du XVIIIe siècle. Avant cela on buvait uniquement le vin de l’année qui n’avait donc pas de potentiel de vieillissement.
Il existe plusieurs formes dans l’utilisation du SO2 aujourd’hui :
- La solution sulfureuse ; SO2 dilué dans l’eau.
- Les comprimés effervescents, utilisés pour les élevages en barrique.
- Le soufre sous forme de mèche ou de pastille à brûler pour la conservation des barriques vides.
L’utilisation du dioxyde de soufre en vinification
L’utilisation du soufre se fait à différentes étapes. Lors de la récolte, le soufre peut-être appliqué afin de réduire l’oxydation du raisin. On peut aussi ajouter du SO2 sous forme liquide au moment du foulage du raisin pour empêcher le démarrage naturel de la fermentation, et ceci si on souhaite utiliser des levures sélectionnées.
Au cours de la vinification, le SO2 est rajouté après la fermentation alcoolique pour bloquer la fermentation malo-lactique pour la grande majorité des blancs. Pour les rouges l’ajout de SO2 pourra intervenir après la « malo » pour éviter tout autre développement bactérien et levurien provoquant les altérations du vin.
Pendant l’élevage, le vigneron peut également ajouter du souffre pour enlever les éventuelles bactéries non inhibées durant les étapes précédentes.
Enfin c’est au cours de la dernière étape de la mise en bouteille que le souffre est quasiment systématiquement utilisé. En effet, le SO2 ajouté à ce moment permettra de protéger le vin en bouteille et de ralentir le processus oxydatif que celui-ci subira jusqu’au moment de sa consommation.
Il existe une réglementation européenne sur le taux maximum de SO2 contenu dans les différents types de vin :
- Sur vins rouges : 160mg/l
- Sur vins blancs et rosés : 210mg/l
- Sur vins blanc et rosé (sucres > 5g/L) :260mg/l
- Sur vins liquoreux : 300 mg/l
Le soufre se retrouve dans le vin sous forme de sulfites, ainsi vous pourrez remarquer sur les étiquettes que (pratiquement) tous nos vins contiennent du soufre. Lorsqu’il est concentré en grande quantité dans le vin, il peut être à l’origine de maux de tête. Il peut aussi provoqué des gênes chez les personnes allergiques à ce produit. Depuis 2005, cette mention « contient des sulfites » est obligatoire sur toutes les étiquettes.
L’utilisation du soufre aujourd’hui
De nos jours certains vignerons, le plus souvent avec des surfaces restreintes de production refusent l’utilisation du soufre mais cela nécessite une rigueur à chaque étape, depuis la culture jusqu’à l’élevage du vin. Le risque de re-fermentation ou de voir apparaître des arômes ingrats est plus grand.
Si ce mouvement reste encore minoritaire (car il est difficile à mettre en place pour des productions importantes ou dans des régions très exposées au maladies) on note une très nette diminution de l’utilisation du soufre dans la dernière décennie. La mise en place de meilleurs pratiques viticoles et la recherche d’alternatives naturelles permettent très clairement de limiter l’utilisation du soufre à chaque étape de production du raisin et du vin qui en découlera. Une utilisation du soufre plus raisonnée est à l’ordre du jour.
Notons enfin que le soufre dans les proportions dans lesquelles il est présent dans le produit final ne constitue pas de danger pour la santé (sauf personnes allergiques). Il faudrait boire une quantité de vin extrêmement élevée chaque jour pour commencer à développer des problèmes liés au soufre. Et souvenez-vous pour rester une source de plaisir le vin doit-être consommé avec modération !