À la conquête de l’Ouest : l’histoire du Bourbon

19 novembre 2020

Quoi de mieux en cette récente période d’élections américaines, alors que la topologie des états du Midwest est dans toutes les têtes, que d’aborder l’histoire du Bourbon.

Même si l’on peut théoriquement produire du bourbon partout dans le pays, le Kentucky est largement considéré comme son berceau.
« Good old Kentucky, state of bluegrass, state of tobacco, state of Hemp », mais surtout l’état du Bourbon, un marché à 3.6 milliards de dollars, 1.7 millions de barriques produites à l’année, et 7.5 millions de barriques dormant paisiblement dans leurs chais, le bourbon est au mieux de sa forme !

Colonisation et Conquête de l’Ouest

Lorsqu’au 18ème siècle, les premiers colons s’installent sur ces terres fertiles offertes par l’Union, ils commencent par y planter ce qui fera la réputation de l’état : le tabac et le chanvre. Rapidement le maïs fera son apparition, et il en faut peu pour pousser des descendants de colons irlando-écossais à distiller du grain…
Cette communauté de fermiers profondément protestante, fervente dans ses offices, attache beaucoup d’importance à la culture des céréales (maïs, blé, orge, seigle…), car elle y voit la production du pain nourricier et à travers celui-ci sa symbolique religieuse.
Mythe, ou marketing ? On raconte chez Bulleit, que le fondateur de la distillerie, le patriarche Augustus Bulleit, proposa à sa famille des pains produits à partir d’assemblages de farines différentes : le plus goûteux sera choisi pour devenir la recette originale du « mash bill », le fameux mélange de céréales à l’origine du style de la maison.

Elijah Craig, prêtre baptiste en Virginie, fonde sa distillerie au Kentucky, comté de Scott en 1789. Il est considéré comme le père du bourbon tel que nous le connaissons : un « mash bill » composé principalement de maïs, pour se différencier du « Rye » des états de l’est (Pennsylvanie et Maryland), et surtout l’élevage en fût de chêne fortement bousiné. Le terme de « Bourbon » apparait autour de 1850, avant on parle de « whiskey » tout simplement. Celui-ci fait référence au comté de Bourbon (dont le chef-lieu est Paris), ce terme à consonance française est commun dans ces états du sud et du Midwest américain qui ont appartenu à la France. A l’époque la Louisiane est une zone bien plus étendue que l’état actuel, elle retourne à l’Union en 1803 vendue par Napoléon qui avait besoin d’un budget pour conquérir l’Europe…

 

Révolution industrielle et législation

On pourrait penser qu’un état du Midwest enclavé comme celui-ci aurait du mal à écouler son stock, mais le Kentucky c’est aussi un des réseaux de commerce fluvial le plus performant de l’époque. En effet, grâce à la rivière Ohio toute proche, il accède au fleuve Mississipi, qui s’écoule du nord au sud du pays en traversant dix états. Un mode de distribution fluvial qui fait penser en bien plus petite échelle, à celui du Cognac/ Armagnac en France. Et c’est ainsi que l’on trouvera cet élixir du Midwest, de Chicago jusqu’à la fameuse « Bourbon Street » de la Nouvelle Orléans.

La croissance s’accélère pour le Bourbon, poussée par un réseau ferroviaire en pleine expansion, la ligne Trans-American qui relie l’Est à l’Ouest du pays a été inaugurée en 1869. Il se retrouve dans tous les saloons, et autres bars, il chasse l’Apple jack (un alcool de cidre) et même le rhum des Newyorkais. S’en suit une période de croissance qui atteindra les 3.7 million d’hectolitres en 1911 ! Entre temps, la « Taft Decision » de 1909 a statué sur les mentions et la production, histoire d’éclaircir un marché historiquement sauvage…

 

Prohibition : plus dure sera la chute

Mais du succès, le Bourbon va basculer directement au purgatoire. Le 16 novembre 1920, suite à une puissante poussée des lobbies moralistes religieux (et du KKK), la loi Volstead est votée et adoptée : interdiction de consommer, produire, transporter, vendre, et importer un produit alcoolique. C’est la Prohibition.
La production tombe entre les mains de la pègre et on voit ainsi apparaître un alcool frelaté, produit de façon clandestine, le fameux « moonshine ».

Ce nouveau « réseau » de distribution force aussi les frontières, passant par le Canada ou les côtes pour faire rentrer une production étrangère : Canadian Whiskey et Rye, mais surtout Irish whiskey et Scotch Whisky. Ces alcools seront vendus à prix d’or dans des bars clandestins, qui prendront le nom de « speakeasy », le plus connu étant le « 21 Club » de New-York, où même le maire de la ville ira vider quelques verres. Nous sommes en plein dans les « Roaring Twenties », c’est l’âge d’or du Jazz et des cocktails.

whiskey bourbon

Rédemption : une « success story » américaine

Il faudra peu de temps à l’industrie du Bourbon pour relancer la production car en 1935 elle tourne déjà à pleine capacité. Cependant, la Prohibition a eu un double effet pervers sur son marché local : non content d’avoir biaisé la qualité du Bourbon (avec des alcools frelatés), elle a introduit le goût du Scotch Whisky, plus fin. Ce qui aura pour conséquence de créer un décalage entre le Bourbon et son marché, cette rupture va durer presque trente ans.

Dans les années 60, le bourbon a mauvaise réputation, tantôt alcool de péquenauds, tantôt business de malfrats… Mais en 1964, un sénateur va réveiller les consciences en poussant à la reconnaissance du Bourbon whiskey comme « America’s Native Spirit ». Avant cela, même si l’on avait légiféré sur sa production (Taft Decision 1909), le Bourbon n’était pas garanti « made in USA », après cette date il devient fierté nationale !

Dès lors, le bourbon connait une forte croissance et une vraie reconnaissance : en 2007 le sénateur Jim Bunning, déclare le mois de septembre comme étant « National bourbon heritage month ». Le développement de son industrie est vertigineux, entre 2009 et 2014 la production a bondi de +29% (DISCUS), dans le Kentucky depuis 2012 nous sommes passés de 10 à 50 distilleries en activité ! Rien ne semble à l’heure actuelle pouvoir arrêter cette croissance, le Bourbon empiète sur un marché écossais de plus en plus capricieux, et surf sur la mixologie avec une grande facilité. Pour lui, le meilleur est à venir.

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Article rédigé par Hugo Plault, expert Spiritueux à WiSP Campus

Hugo PLAULT

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