Irouleguy ou le Pays Basque en bouteille

Les routes sinueuses qui vous mèneront vers la remarquable appellation Irouléguy ne dévoileront rien de ce vignoble atypique perché sur des terrasses en altitude. Nous sommes au cœur du piémont pyrénéen, en Basse Navarre l’une des 3 sous-région du Pays Basque français. La végétation luxuriante révèle de temps à autre un troupeau de Brebis, une maison majestueuse aux couleurs locales ou encore un atelier d’artisanat (poterie, espadrille, etc.). Elle nous donne aussi une idée du climat aux températures certes modérées mais à la pluviométrie élevée. Et oui il pleut au Pays Basque autant ou plus qu’en Bretagne !

L’aire d’appellation couvre une surface de 1200ha mais seulement 240 sont plantées de vignes. Ici le pâturage est roi ! Une tradition que peu d’éleveurs souhaitent troquer contre quelques ceps de vigne. Il est donc à ce jour inenvisageable d’agrandir son vignoble. Irouléguy c’est : une cave coopérative et 9 producteurs indépendants (un dixième serai en train de voir le jour avec un premier millésime en 2014).

Ce qui m’a frappé est l’apparente fraternité entre tous les acteurs locaux. Ils se concertent et se conseillent lorsqu’ils font face à des situations délicates, n’hésitent pas à s’unir pour parler d’une seule voix vers l’extérieur, et n’ont aucun problème à faire la publicité de leur voisin. La totalité de l’appellation est en bio (et oui c’est possible même avec un climat très humide !).

L’accès difficile au vignoble très pentu impose un travail peu mécanisé. Nombreuses sont les parcelles maintenant cultivées en terrasse mais les vendanges se font toujours manuellement. Quand à ceux qui voudraient tenter la facilité en plantant quelques rangs sur des terrains plus plats au niveau de la commune d’Irouléguy, impossible, cette zone n’est pas en appellation à cause du gel qui se dépose à plus basse altitude alors que les coteaux ensoleillés plus haut ne le craignent pas. La facilité n’est donc pas de mise dans cette région mais c’est probablement le prix de l’excellence !

Le Domaine Arretxea

J’avais eu l’occasion de gouter un vin blanc du Domaine Arretxea il y a plusieurs mois. Il m’avait alors beaucoup plu. C’est pour cela que je n’ai pu résister à la tentation d’aller y faire un tour. Nous avons été accueillis par Thérèse et Michel Riouspeyrous (dans le pays basque, le domaine prend le nom de la maison de famille et non le patronyme des producteurs).

La dégustation commença avec le blanc Hegoxuri assemblage de Petit et Gros Manseng et Petit Courbu, les 3 cépages blancs autorisés dans le cahier des charges de l’appellation. Contrairement à l’appellation « voisine » Jurançon, Irouléguy n’a pas le droit de produire de vin moelleux. Tous les blancs sont donc secs. Ce vin aux notes de fruits exotiques et fleurs blanches est marqué d’une vivacité incroyable ce qui nous amena rapidement à aborder le sujet des sols.

Thérèse Riouspeyrous nous explique ce que nous avons pu constater en arrivant « ici, la fougère est reine ! si rien n’est cultivé la fougère prend le dessus très rapidement. Et la fougère se développe sur des sols acides ». Et si par ailleurs les Petit et Gros Manseng sont des cépages à l’acidité notoire, plantés sur le sol d’Irouléguy, ils dévoilent une fraicheur unique qui confère aux vins blancs de la région un excellent potentiel de garde.

Un géologue Jurassien a cartographié la géologie d’Irouléguy il y a une quinzaine d’année (40 faciès identifiés).Irouléguy, malgré sa taille restreinte, serait donc une mosaïque de micro-terroirs. Selon Michel Riouspeyrous, le travail du vigneron est depuis de révéler l’effet terroir, la typicité du lieu par des pratiques agricoles adaptées. « Selon la manière dont un sol est travaillé, on peut de la même façon mettre en exergue les qualités et caractéristiques d’un terroir comme on peut les occulter et cela indépendamment du cépage cultivé » nous confie-t-il. On comprend dès lors que le cépage n’est pas l’élément qui donnera sa personnalité au vin mais c’est bien le terroir, s’il est bien travaillé, qui parlera.

En suivant cette philosophie, les Riouspeyrous ont donc décidé de vinifier séparément les 3 terroirs identifiés pour leur blancs :

• Pantxurri Ophite: Gros et Petit Mansengs sur un sol d’ophite (roche magmatique riche en minéraux et oligoéléments très peu répandue en Europe)
• Hegoxuri Grès : Dominante de Gros Manseng avec Petits Manseng et une pointe de Courbu sur un sol de grès micacé (roche sableuse riche en fer)
• Hegoxuri Shistes : Même assemblage sur un sol de schiste. Leur blanc traditionnel HEGOXURI étant un assemblage des 3 terroirs.

Concernant les rouges. Les 3 cépages utilisés sont le Tannat, variété dominante dans les assemblages du domaine, les Cabernets Sauvignon et Franc. Les faibles rendements (30-35 hl/ha), le travail d’aération des grappes pour une meilleure maturité et des élaborations douces avec un minimum d’intervention donnent des vins rouges souples avec un fruité intense. Thérèse Riouspeyrous insistera sur un point « nous n’aimons pas le goût de bois ». S’ils l’utilisent volontiers afin d’assouplir les tannins et de donner plus d’harmonie au vin, ils privilégient les grands contenants (muid, demi-muid) pour le vieillissement. Ils produisent à ce jour 2 cuvées :

• Rouge Tradition : (gouté 2011) Tannat et Cabernet Franc avec une pointe de Cabernet Sauvignon. Ce vin élevé 18 mois sur lies fines en cuve béton révèlera des notes de mûres et cassis et une bouche ronde et fruitée.
• Cuvée Haitza : (gouté 2010) 70% Tannat et 30% Cabernet Sauvignon. Ce vin dont l’élevage se passe partiellement en foudres de 400 et 600 litres offre des notes de fruits rouges bien mûrs et de réglisse fraîche. Les tannins sont ronds, le vin équilibré et long.

Nous en retiendrons que ce petit domaine de 8 ha qui travaille dans le respect du vin et de l’environnement qui lui donne naissance ne se contente pas de régaler nos palais, on sent que c’est leur quotidien qu’ils embellissent avant tout en cultivant l’amour et le respect pour leur terre, qualité indiscutable de tout basque qui se respecte ! Et bien que l’on rencontre des producteurs qui travaillent leur terre avec passion dans beaucoup d’endroits, il est rare de trouver une appellation entière qui partage cette philosophie et la cultive inlassablement. Certes la petite taille de l’appellation et le faible nombre de producteurs est un facteur clé de cette unité mais il n’en est pas moins que c’est une grande réussite qui mérite d’être soulignée !

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