La plantation de la vigne est une étape importante et quasiment décisive dans la réussite d’un vignoble et son évolution. Les choix du porte-greffe et du cépage font parties des premières réflexions du vigneron pour sa plantation, ils engagent le viticulteur sur plusieurs décennies.
On utilise actuellement des portes greffes pour planter de la vigne. Ces porte greffes ont un rôle de protection de la plante mais également un rôle important sur le comportement et les aptitudes de la plante durant son cycle de vie.
Des porte-greffes dans nos vignes
Les ceps de vigne peuvent être plantés directement dans la terre sans porte-greffe, on parle de pieds de vigne plantés franc de pieds. Quelques rares vignerons ont tenté l’aventure ces dernières années de planter franc de pied en Touraine comme le domaine Charles Joguet à Chinon et ses Cabernets Francs ou encore Henry Marionnet, pionnier en la matière. Cela reste très anecdotique puisque depuis la crise phylloxérique, la plupart des cépages sont plantés avec des porte-greffes. Mais alors pourquoi ?
Le puceron appelé Phylloxera est apparu dans le vignoble français et européen dès 1863. L’espèce de vigne européenne Vitis Vinifiera qui produit tous les cépages connus sont destinés à la fabrication du vin mais ne résistent pas aux piqûres de l’insecte et meurent au bout de 2-3 ans. Ce dernier se propage dans les sols à une vitesse fulgurante. Ainsi en une dizaine d’années le vignoble français et une grande partie du vignoble européen ont été détruits. Des recherches vont être menées afin de faire repartir la viticulture française économiquement très importante à l’époque.
La solution va venir d’autres espèces de vignes telles que le Vitis Vinifera. On découvre que les vignes américaines (Vitis Rupestris, Vitis Riparia, Vitis Berlandieri, Vitis Labrusca…etc) sont très résistantes au phylloxéra mais peu intéressantes au niveau organoleptique. En greffant nos Vitis Vinifera sur un porte-greffe (partie racinaire) américain, on parvient alors à maintenir l’expression des cépages européens tout en ayant une vigne résistante à ce prédateur.
La greffe de la vigne se fait majoritairement en pépinières afin que les vignerons puissent acheter un pied déjà greffé. Il existe plusieurs techniques de greffage mais la plus répandue est la méthode du plant de vigne greffé-soudé dite greffe omega. Il s’agit d’une soudure biologique qui se fait à l’extérieur du vignoble. Le procédé est répandu à 95% sur le vignoble français.
Machine pour assembler les bouts
Cette technique du puzzle entre deux extrémités se fait sur table à l’aide de deux machines, l’une pour tailler les bouts, l’autre pour les assembler. On applique ensuite sur les deux bouts assemblés une cire pour assurer la bonne tenue de la greffe, on parle de paraffinage. Les plants sont élevés jusqu’à la formation d’un cal entre le greffon et le porte-greffe.
Le choix du porte greffe par le viticulteur se fait en fonction du cépage du type de sol et des conditions environnementales de son exploitation.
Les différents portes greffes
Il existe plusieurs dizaines de porte-greffes autorisés en France. Ils ont tous des caractéristiques différentes du fait des nombreux croisements opérés entre les différentes espèces de vignes.
Il y a quatre grands critères de choix pour l’utilisation du porte-greffe :
- Il doit être adapté aux caractéristiques géologiques du vignoble : sol plus ou moins calcaire, plus ou moins acide, présence de métaux, de chlorure de sodium, etc.
- Il doit s’adapter aux conditions climatiques et notamment aux températures. En région froide, on privilégiera un porte-greffe précoce car il accélère le cycle de la vigne
- Il doit être résistant aux parasites (phylloxéra, nématodes) et s’adapter à l’équilibre hydrique du sol (sécheresse ou trop d’eau).
- Il doit être adapté au type de production recherchée (gestion de la vigueur, du volume de production ou limitation des rendements).
Les vignes américaines vivent dans des conditions climatiques et de sols différents de l’Europe.
Elles ont toutes développées grâce à leur environnement d’origine des aptitudes différentes notamment la résistance au phylloxéra mais également d’autres propriétés selon les zones de plantation d’origine.
Les trois espèces les plus utilisées sont toutes résistantes au phylloxéra mais présentent des spécificités :
- Vitis Riparia : espèce très précoce et peu résistante au stress hydrique. A privilégier dans des zones humides et fraîches
- Vitis Rupestris : espèce peu résistante au calcaire mais résistante à la sécheresse. A privilégier dans des zones chaudes, sèches et sur des sols d’alluvions
- Vitis Berlandieri : maturité lente de la plante mais résistante au calcaire. Va s’adapter à de nombreux sols européens grâce à sa tolérance au calcaire mais il faudra la coupler avec des cépages précoces.
Les croisements sont réalisés entre ces trois espèces mais également avec l’espèce européenne Vitis-Vinifera qui a pour qualités d’être résistante au calcaire et au sel dans le sol et d’être plus précoce que la Berlandieri. On parle de porte-greffes hybrides lorsqu’il s’agit de croisements entre plusieurs espèces.
A noter qu’à la fin du 18ème siècle des croisements ont également été réalisés entre les cépages américains et les cépages français afin de répondre à la crise du phylloxéra. Ces cépages sont très résistants et demandent peu d’entretien, on les appelle les hybrides producteurs directs. Pour répondre à la demande productiviste de l’époque ces cépages sont utilisés par les paysans français pour produire des vins de table. La qualité très médiocre de ces vins et la crise de surproduction conduit la France à les interdire en 1935 par des primes à l’arrachage et des sanctions financières en cas de production à partir d’hybrides.